“Pessac doit être un laboratoire...”
(Henry Frugès à Le Corbusier)
PESSAC revêt une importance capitale d’un point de vue historique, dans la mesure où une documentation abondante tirée des affaires personnelles de l’architecte (croquis, dessins, lettres, prospectus) nous permet d’analyser le processus selon lequel la théorie fut mise en pratique. Il est rare de pouvoir saisir d’aussi nombreux aspects d’un effort de création complexe et ardu, et de pouvoir discerner aussi nettement son contexte socio-économique et politique.
En outre, une étude de l’architecte Philippe Boudon montre comment, depuis leur achèvement, les cinquante(-trois) logements ont été modifiés et adaptés aux besoins ou aux goûts des habitants et nous livre en somme l’histoire de la vie d’un projet.
Enfin, la qualité esthétique de chaque logement comme de tout l’ensemble est assez remarquable pour que l’expérience de Pessac fasse figure d’événement. bien que fondées sur des modules aux dimensions standardisées engendrant une unité toute répétitive de formes et de volumes, les combinaisons obtenues présentent finalement une grande variété. Pour les façades extérieures, Le Corbusier adopta le parti original de faire alterner des couleurs pastel (brun, vert, bleu clair) et du blanc, selon un rythme très étudié, le propos étant d’atténuer l’impression de densité du bâti et d’animer les surfaces nues et lisses des constructions. En outre, les maisons possédaient toutes un toit-terrasse, un patio ou une pergola d’où l’on pouvait admirer le paysage environnant.
Le suprême hommage à ces maisons, financées par le client éclairé qu’était Henry Frugès, fut rendu par leur propre architecte : bien que contrarié par bon nombre des transformations apportées par les occupants successifs, Le Corbusier déclara que les maisons avaient prouvé leur faculté d’adaptation à long terme, et que l’usager, en fin de compte, avait toujours raison.
B.B. Taylor